• Fou

    Il titubait dans leur direction, l'air hagard, les yeux paniqués, les lèvres tordues dans un rictus empreint de folie. Les cheveux en désordre, la poussière maculant ses vêtements et le visage couvert d'une barbe d'une semaine rajoutaient à son apparence de dément. Il trébucha et un bras le rattrapa. Son regard se porta vers son bienfaiteur et il s'en rapprocha encore, jusqu'à lui donner un semblant d'accolade. Sa bouche se rapprocha de l'oreille du brave homme et, dans un râle :
    _ Pourquoi ?
    Puis un ricanement hystérique s'éleva. L'homme s'écroula aux pieds du fou, un manche en os dépassant du buffet, d'où s'écoulait un flot de sang sombre. Le ricanement du fou se mua en cris, puis en hurlements. La compagne de la victime était terrorisée. Une vague de sentiments divers et variés transparaissaient dans ces déchirements sonores. Il récupéra son couteau et s'enfuit, mi-riant, mi pleurant, courant comme si les chiens des Enfers étaient à ses trousses. Il heurta violemment un agent de police qui se précipitait vers les lieux du drame. Le fou se reprit le plus vite et planta son couteau sous le menton du malheureux qui périt sur l'instant. Il reprit sa fuite.
    _Police, arrêtez vous !
    Un homme en uniforme se trouvait à nouveau sur la trajectoire du joueur de couteau qui ne ralentit pas pour autant.
    _Mort mort mort !!!
    Les larmes coulaient encore sur un rictus qui s'agrandissait. Son rire dément s'en échappait sans interruption.
    _Stop, stop !

    L'homme courait, courait sans s'interrompre. Ses lambeaux de conscience restante s'effilochaient de millième de seconde en millième de seconde. Il savait juste qu'un policier braquait son bon vieux révolver sur lui. Un de ses côtes craqua soudainement et un gerbe de sang jailli de son dos. Une deuxième côte craqua et ses entrailles furent déchirées par un feu dévastateur, une autre gerbe de sang jailli. Il remarqua que de la fumée s'échappait de l'arme de l'agent. Puis, deux coups de tonnerre se firent entendre.

    Le policier regardait l'homme sur qui il avait tiré à deux reprises. Sa course avait été considérablement ralentie mais il poursuivait son effort. Son corps le trahit cependant et il s'écroula, le manche de son couteau serré dans son poing. L'agent se précipita vers le moribond et appela une ambulance par radio. Il regarda le fou. Une écume écarlate se formait sur ses lèvres tandis qu'un voile opaque ternissait l'éclat dément de ses yeux.
    L'homme le croyait mort quand il tourna la tête, ses yeux se posant sur lui. A travers l'écume rouge et d'un ton désinvolte :
    _ C'est ma première mort, et ça m'angoisse comme pas possible. Vous pensez que je la réussirai ?
    Alors que l'agent allait répondre :
    _ Oh et puis merde, on verra ce qui arrivera.
    Quelques instant passèrent, puis :
    _ Vous pourriez me prêter votre veste ? J'ai froid...

     


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