• Le bruit de mes pas sur l'embarcadère résonne étrangement à mes oreilles, tel le battement mesuré accompagnant un condamné à l'échafaud. Une légère caresse sur mon visage, accompagnée d'un chuchotement léger me sauve de ces morbides pensées en me contant les plaisirs qui m'attendent. La barque tangue légèrement lorsque je m'installe et le doux murmure du vent, allant décrescendo, laisse place aux promesses tentatrices que me susurrent les vaguelettes, berçant tendrement la barque. L'iode m'enivre, apportant à mon esprit endormi des fragrances de liberté.
    Une échelle de corde m'attend, rendue rêche par le soleil qui m'enveloppe pourtant d'une langoureuse candeur.
    Je pose le pied sur le pont et lève les yeux vers les voiles qui me saluent de leur grâce diaphane habituelle tandis que le reste du navire m'accueille avec force craquements enthousiastes.

    Le Zufall, fier navire, s'élance alors vers le large et je suis bientôt entouré d'une étendue bleue, où l'horizon n'est jamais certain.
    L'obscurité se fait soudain, et je sursaute avec horreur lorsqu'un froid glacial m'envahit. Mon visage est griffé et giflé par les trombes d'eau qui s'abattent avec violence, mes oreilles sont abasourdies par les grondements titanesques qui résonnent dans les cieux, et les assauts répétés des vagues soulevées par un vent en proie à la démence me font sans cesse chanceler.

    Folie, tout est folie autour de moi, qui fut pourtant bercé avec tant de douceur. Seul ilot de calme, le capitaine qui se tient à la barre. Deux dés glissent de sa manche et roulent sur le sol. Nos regards se croisent et il me sourit tristement.
    _ C'est le jeu fiston.

     


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  • Middle

     

    Il déambulait dans la rue mal éclairée élégant sous son chapeau de feutre, les pans de son manteau fermés, son écharpe flottant dans l'air. Les yeux perdus dans le vague, ne prêtant pas attention aux chats qui le fixaient d'un œil suspicieux et les poings serrés au fond de ses poches, il s'arrêta sous un arbre et s'adossa au tronc, cherchant au fond de sa poche une cigarette dont il n’était même pas sur de l’existence. Il ne prêta pas attention aux rares personnes qui passaient, son attention fixée sur la cigarette qu’il allumait, sa main libre empêchant tant bien que mal le vent d'éteindre la flamme. Après plusieurs essais infructueux, il réussit enfin. Il aspira, et poussa un soupir de soulagement, enfin détendu.
    Du coin de l'œil, il aperçut trois types qui se dirigeaient vers lui.
    _ Hé m'sieur, t'as pas une cigarette ?
    Chier, encore des mendiants...
    _ Pas pour toi.
    _ Quoi ? Hé l'rapiat, z'avez vu comment y'm'cause ?
    Fuck, encore un connard...
    _ Pas le temps d'être emmerdé par un con, barre toi. Et vous deux, vous pouvez le suivre.
    Il était resté adossé à son tronc, clopant comme si il était seul. Les autres rageaient. Il leva les yeux et les regarda froidement, son regard finit par se fixer sur leur porte-parole pour se faire légèrement dédaigneux.
    _ Fils de...
    Avant qu’il ait le temps de finir d’insulter sa mère, la jambe du fumeur percuta sa rotule, faisant entendre un crac sonore, rapidement suivit d'un hurlement. Le type regardait son genou désarticulé, les yeux exorbités. Le fumeur se pencha vers lui et, en lui soufflant un nuage de fumée au visage :
    _ Jamais la famille ducon, jamais.
    Les deux autres se reprirent et l'un tenta de lui donner un coup de poing. Son feutre tomba quand il passa sous le coup et lui asséna un coup de coude dans la mâchoire, l'étourdissant pour le compte. Il l'acheva d'un crochet du droit et l'autre tomba évanoui sur le trottoir. Il se pencha et ramassa son chapeau. Le troisième gus était abasourdi, tout ça n'avait duré que quelques secondes. Le fumeur le toisa et souffla sa fumée sur le côté.
    _ Tenté ?
    Le type regarda ses deux amis étalés par terre, l'un gémissant, l'autre inconscient. Un dilemme se lisait dans ses yeux. D'un côté, il n'avait pas envi de finir comme eux, de l'autre, il serait un paria si il ne relevait pas le défi.
    Il se jeta sur l'homme au feutre, qui se décala, lui saisit la tête et la cogna contre le tronc dans un bang sonore.
    Plutôt que de se faire mal aux poings, utilisons ce que la nature nous a offert. Un arbre peut s’avérer très pratique…
    Il s'approcha du type au genou brisé et se pencha vers lui. Prenant sa cigarette en fin de vie entre ses doigts, il l'écrasa au sol puis mit le mégot dans la bouche du gars.
    _ Tiens, la voilà ta cigarette...

     


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  • La méthode Carotte, garantie 100% végétale ( sauf pour les carottes sauvages de patagonie du nord... mais nous en reparlerons... ), effet apaisant lors de grands moments de nervosité et de stress ( uniquement lorsque l'aliment est cru ), peut servir d'objet contondant ou perforant pour tout un tas d'actions vindicatives ou utilitaires, et la liste et longue. De plus, en manger un certain taux vous donne les fesses roses et facilite le bronzage.

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    Maintenant, les carottes sauvages de patagonie du nord... mais on les trouve aussi en asie.

    De terribles créatures mangeuses de chair, auxquelles on doit des centaines de milliers de disparitions sanglantes et de plusieurs extinctions de races animales. Ces bêtes sont sournoises et intelligentes, elles apprennent dès leur plus jeune âge les méthodes de camouflages et de chasse. Les nouvelles nées restent plantées dans le sol, à attendre patiement les malheureux rongeurs qui, naïfs et innocents, s'approchent en toute confiance des petits plumeaux verts sortant du sol. Et là, PAF ! C'est le drame ! Elles se jettent à la vitesse de l'éclair sur la petite boule de fourrure qui ne peux qu'émmettre un " couic " stupefait et interrogateur avant de se faire engloutir. Ce petit manège dure quelques semaines, puis la sombre créature atteint un stade ou elle commence à s'en aller à la recherche de proies plus importantes. Les catégories évoluent ainsi des petits lapins jusqu'à des vaches, voire plus gros. Nous sommes un jour tombés sur un specimen mort d'indigestion, après s'être attaqué à un éléphant égaré.

    Les seules méthodes pour survivre à une telle rencontre ne sont pas nombreuses :
    - vous leur présentez un épluche légume, la plupart seront térrifiées à une cette vue et fuiront.
    - vous vous trimballez avec un lapin sauvage spécialement dressé et élevé dans la haine et le jus de carottes sauvages. Cependant, vous devez avoir le coeur accroché, car ces combats sont d'une violence extrême, et quelquefois, les deux protagonistes s'entretuent.
    - vous courrez.

     


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  • Une giclure de sang ponctuant un bruit spongieux d'os écrasé, ma masse fracassant la mâchoire d'un autre infidèle. Je regarde la porte par où une vague infinie de païens déferlent. Ma bure est alourdie par le sang de ces chiens, mes membres sont lourds d'avoir portés des coups, mais je peux voir la foi jaillir de mes yeux en regardant mon reflet dans le sang étalé sur le sol, elle me donne la force de continuer à protéger le sanctuaire qu'est l'abbaye. Une lame perce ma bure et ripe sur ma cotte de mailles. Je broie la poitrine de l'impertinent et d'un revers écarte ces chacals qui tentent de passer par l'ouverture. Les cantiques du guerrier jaillissent de mes lèvres et je sens les païens faiblir. Je les vois indécis, tentant de reculer. Ils finissent par jaillir hors de l'abbaye, glissant et dérapant sur le sang, s'étalant sur le parvis, mais regagnant la sécurité de l'extérieur. Mes frères laissent éclater leur joie mais je sais que l'intermède sera de courte durée. Je perçois des pas lourds, qui résonnent à l'instar du marteau de Thramos. Je sais qu'ils arrivent, je ris. Ils apparaissent, bardés d'acier. La foi du Juste m'envahit, la rage m'étreint, la soif de sang m'englouti. Je me redresse, récupère mon souffle. Je dois présenter un aspect terrifiant, maculé de sang dans une bure déchirée, pataugeant dans le fluide écarlate qu'animait autrefois les corps étendus. Ma masse tombe au sol, et je dégaine la lourde lame pendant à mon côté, à l'acier sanctifié et protégée des maléfices de ces émissaires du Malin. J'embrasse la lame et je prends la garde à deux mains, fermement. Ma voix s'élève, portée par la volonté du Puissant et je me jette sur eux, ma bure virevoltant, l'acier résonnant contre l'acier. Ils sont quatre, et la seule solution possible est de les abattre le plus rapidement possible. La pointe de mon épée décrit un arc de cercle et tranche une gorge dans un jaillissement de sang. Il ne tombe pas tout de suite mais continue de m'occuper jusqu'à ce que la vie quitte entièrement son corps. J'évite de justesse un coup d'estoc mais un revers cogne contre mon flanc et je tombe à genoux. Je brise un genou d'un violent coup et tente de me mettre hors d'atteinte dans une roulade. Je me redresse, chancelant, grognant sous la douleur, le souffle court. La colère éclate de nouveau au fond de moi, je ne peux laisser ces impies souiller impunément ce lieu sacré. Je rugis les paroles du saint et me jette avec violence contre eux, la foi anesthésiant la douleur de mes côtes cassées. Un coup rompt la chaine et ma croix tombe sur le sol. Je transperce un plastron de part en part et du sang gicle de la bouche du moribond. L'autre m'envoi bouler au sol et je me relève, mais mon épée est coincée entre les côtes d'un cadavre et je me trouve sans défense. Un frisson de peur devrait me saisir mais ce n'est pas le cas, je suis uniquement préoccupé de trouver un moyen de tuer le dernier assaillant. Je me jette sur lui, passant sous son coup de taille et mon épaule heurte lourdement son plastron. J'ai de la chance, il est déstabilisé et tombe sur son séant. Je me jette sur ma masse, la saisit, et me relève, porté par les vents du courroux. Nous nous chargeons mutuellement et je suis surpris par la vigueur de l'adversaire. Peut-être ai-je surestimé mes capacités. Mais je me poserai la question plus tard, des préoccupations plus importantes hantant mon esprit : Comment le tuer ? Je me jette sur lui, son épée m'empale et je pousse sur lui de tout mon poids. Il tombe sur le dos, sous moi. Je n'ai pas lâché ma masse. Je la lève et l'abat d'un coup brusque sur son casque qui éclate sous la pression, réduisant le crâne à l'intérieur à l'état de bouillie. Je tente de me relever mais mes jambes ne me portent plus. Je roule sur le côté et retire la lame de mes entrailles. Je rassemble mes dernières forces, à avec toute ma volonté, je rampe jusqu'à la statue de la Sainte. Le sang m'aide à avancer sur les dalles de marbre. C'est à ses pieds que je désire mourir, car c'est pour elle que j'ai servi le Temple. Mes frères accourent. Je suis content de les savoir en vie. Je me met sur le dos et je contemple le visage de la Belle de Notre Seigneur. Un instant, il me semble voir ses yeux s'attrister, mais je n'ai pas vraiment le temps de m'attarder sur cette impression, ma vue se brouille, je ne ressens plus mon corps, j'oublie de respirer...


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